« I demolish my bridges behind me... then there is no choice but to move forward. »

Personne n'a lancé de confettis à ma naissance, c'est qu'on n'a pas dû voir plus en moi qu'une bouche à nourrir : mon père s'est fait virer de son job parce qu'il avait refusé de nettoyer un androïde (question de dignité, on ne prend pas soin de ce qui nous remplacera un jour), alors il s'est retrouvé sans un sou. Incapable d'endurer notre train de vie, ma mère a fini par nous quitter quand j'avais quatre ans. J'ai donc grandi avec mon père. Je ne lui décernerais pas le prix du Meilleur Papa du Monde, mais je ne peux pas lui reprocher de ne pas avoir essayé de l'avoir.

Quand on naît avec un père aussi démuni, on n'a qu'un désir : que notre vie soit le contraire de la sienne. C'était mon cas mais je n'avais rien fait pour y arriver, au lieu d'étudier, j'avais souvent le nez dans les magazines de mode. Amoureuse des robes dans lesquelles il n'est pas possible de respirer, des hauts talons qui peuvent nous tuer si on trébuche, tout ça, mon père n'attendait pas grand-chose de moi. "Trouve-toi un homme riche à marier et bastah !" étaient ses mots, et je découvrais à quel point il était sérieux quand un jour il me présentait le fils d'un ancien collègue. Ce dernier avait tout pour connaître le succès, mais c'était encore plus étonnant de constater qu'on ne s'est pas entretués et qu'on est même devenus des bests.

Vu son influence, je m'intéressais plus à l'actualité scientifique, même si ça déplaisait à mon père qui avait du mal avec la technologie. J'étais très heureuse d'être admise dans l'institut supérieur industriel de notre ville, car ça signifiait que je n'allais pas passer ma vie dans la maison de Schtroumpfs que j'habitais avec mon père. Tout allait bien dans ma vie, mais il fallait que le malheur me frappe : il est survenu ce qu'on appelle un accident de travail, alors qu'avec mon meilleur ami on était en train de réparer un robot. J'ai dû faire une grosse erreur, il y avait même une explosion, et il en avait perdu la main. Bien qu'il ne l'avait jamais dit à haute voix, ça se voyait dans ses yeux qu'il avait envie de vider le chargeur d'un pistolet dans ma tête.

En faisant des recherches, j'ai fait mon premier design d'une main artificielle. Mon ami a donc pu récupérer sa main, mais il n'était plus à 100% humain. Le fait qu'on lui propose un travail à l'étranger a définitivement foutu en l'air notre relation endommagée. Quant à moi, ayant pris conscience des dangers et des responsabilités qu'engendre le métier, je me suis finalement reconvertie en designeuse où le plus grand risque est de créer un robot hideux, non de le voir exploser au nez de son propriétaire.