« are you are you
coming to the tree
where I told you to run,
so we'd both be free. »
il connaissait ton rêve.
beaucoup te diront qu'il est irréalisable, impossible, mais june, écoute-moi. si tu essayes de vivre, toi aussi un jour tu pourras ressentir. ils t'ont faite pour que tu expérimentes ça, alors ne les déçois pas. ne me déçois pas, et vis. trompe-toi, sois incertaine, parce que maintenant tu es quelqu'un. ma june, tu es ma june.lui il te voulait réelle, et imparfaite. lui il voulait une relation avec des hauts et des bas, une relation pleine de tensions et de réconciliations. lui il voulait une histoire passionnelle et excitante, une histoire addictive qui en fait voir de toutes les couleurs.
et c'est ce qu'il a eu,
pendant sept mois.
mais voilà, une connerie de trop, une dispute de trop, un geste de trop,
et cette fugue fut la dernière.
parce que cette fois-ci tu ne retournerais plus.
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tu viens de te faire un ami: un gars rencontré au détour d'un bar, Cho Chul-Hei. il est gentil et drôle, un peu défaitiste mais intelligent. après l'avoir aidé avec son caddie, il t'invite dans sa ruelle et te demande ton nom et ce que tu fais dehors à une heure pareille sans rien sur le dos. il te tend une bière, attentif. il semble également réceptif, si bien qu'il t'accompagne jusqu'à la périphérie de séoul sans dire un mot sur votre destination.
là il s'arrête devant l'enseigne d'un restaurant qui n'a pas l'air d'accueillir une masse de clients et te dit d'attendre là. il fait ensuite le tour du bâtiment et disparaît dans l'obscurité. ça va faire presque deux jours que tu ne t'es pas rechargée, et tu sens que ta batterie va te lâcher d'un moment à un autre. heureusement tu entends qu'on t'appelle; tu empruntes le même chemin et le rejoins. il te présente alors à un homme au sourire douteux et vous laisse aussitôt seuls sans que tu ne puisses le remercier, comme s'il était soudainement pressé.
ce gars n'avait pas la tête à tenir un vieux restaurant de soupe, et tu avais raison: il était plutôt du genre à
cuisiner les pièces détachées de
gens tels que toi, et ça te foutais carrément la chair de poule.
contre jambes, bras, doigts et autres bouts de ferraille encore en bon état, ton
bienfaiteur te promettait électricité et argent: un salaire qui peut paraître dérisoire mais en fait digne d'intérêt quand on veut préserver sa liberté en tant qu'automate: et ça, d'autres miséreux l'avaient bien compris. en effet vous étiez plusieurs à passer dans le coin pour déposer vos
trouvailles et repartir avec un montant dit
proportionnel au matos apporté.
c'est donc dans l'illégalité totale que tu as pu vivre comme tu le voulais.
faire le guet, détourner l'attention, se faire discrète, repérer, piquer dans les poches, voler à l'étalage, crocheter des portes,
emprunter des bagnoles, fuir quand la police se pointe..
tu l'as toujours fait dans la bonne humeur.
le plus souvent avec tes copains d'infortune.
et après chaque razzia, vous vous rassembliez la plupart du temps dans wasteland pour vous changer les idées et vous éclater jusqu'au matin.
parce que wasteland,
c'est le petit royaume des marginaux,
le dépotoir de vos pensées périmées,
la "cour des miracles" de séoul.
et cette vie,
tu l'as vécue pendant trois mois.
trois mois dans la rue à expérimenter le froid.
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il est huit heures et le soleil essaye de t'atteindre à travers les rideaux fermés. un silence matinal règne sur l'appartement.
en tailleur, assise bien sagement sur le canapé, tu es là à plier quelques tshirts fraîchement sortis de la machine, l'air absente. tes yeux étudient la toile qui hier encore n'était pas là: à trois quart vide, le canvas se laissait de plus en plus dominer par de vagues nuances de bleu.
est-ce un ciel ?
est-ce un océan ?
est-ce une insignifiante partie d'un infini tout ?
seul l'artiste le sait.
alors tu te lèves et vient doucement ouvrir la porte de yohan; tu marches sur la pointe des pieds jusqu'à sa penderie et y range ses tshirts avant de rapidement sortir de sa chambre.
ton rire discret vient casser le silence; il s'est endormi avec le visage recouvert de peinture. ah cet enfant. incorrigible.
comme chaque matin tu vas lui préparer son petit déjeuner et lui rappeler qu'il se doit de bien manger ce que tu lui sers s'il veut réellement faire une tête de plus que toi; le genre de remarque qu'il n'aime pas franchement.
comme chaque matin depuis près de deux mois maintenant.
oui, ça fait bien deux mois que tu vis
normalement: tu es logée, nourrie, aimée. au fond c'est peut-être illégal, mais ce train-train quotidien vous plaît à tous les deux. et votre amitié n'est en rien contraire à la loi.
ni discrimination,
ni violence,
ni mensonges.
tu espères que le jour de votre séparation n'est inscrit sur aucun calendrier.
jamais, jamais.
il est bientôt neuf heures et princesse yohan au bois dormant ne s'est toujours pas remise de sa cuite.