« anyone's looking for the paradise lost »

Naître sous le nom des Lee fut une malédiction. Seo Yeon n'a jamais connu ses parents, ignorant le moindre détail de leur existence. Nombreuses sont les fois où elle a tenté de se documenter, de se battre afin d'obtenir ne serait-ce qu'une infime information. En vain. Et pour cause, son grand-père paternel ne l'autorisait pas. Il n'était pas du genre à la ménager, elle fut élevée dans un domaine des plus fabuleux et luxurieux de la ville, mais sous une rigidité à faire pâlir un soldat. Seo Yeon fut considérée comme un garçon, comme le solennel héritier de l'entreprise familiale. Dès son plus jeune âge, elle n'eut le loisir de porter les cheveux longs. Ils étaient courts et elle n'avait pas son mot à dire. Après l'école, elle fut abonnée à toutes sortes d'activités masculines comme les arts martiaux. Se battre. Ne pas courber l'échine. Garder la tête haute. L'honneur de la famille. C'est ce qu'elle devait incarner. Obstinée, déjà, elle se pliait aux ordres tout en songeant qu'un jour, elle fuirait loin de cette grossière insensibilité. Et c'est en regardant son grand-père droit dans les yeux qu'elle fantasmait en silence d'une vie plus paisible, loin de lui et de son étroitesse d'esprit. Une rancœur naquit.

Seo Yeon eut un certain dégoût envers le savoir faire de son clan. Pourtant, les gênes étaient bien présents, les mêmes. Loin d'être féminine, la jeune fille possédait néanmoins déjà cette étincelle dans les yeux, ce charisme étrange qui intrigue, dès l'époque du collège et plus intensément encore au lycée. Elle attirait invraisemblablement filles, garçons. Patientant sagement qu'ils daignent se piéger dans ses files luisants telle une bête arachnide. Puis, elle n'avait qu'à leur croquer la tête. Ce savoir faire Lee coulait inévitablement dans ses veines pourtant. Trop de fois, elle avait vu son grand père faire, mémorisant aisément chacun de ses stratèges. Inconsciente. Une fille peu commune. Unique. A la tête de petites bandes déjà, se battant comme un homme. On ne pouvait passer à côté d'une telle énergumène. Elle portait finalement bien son nom. Fatalement.

Toutefois, une rencontre lui apporta enfin tout ce qu'elle désirait : Jae Young. Il était cet être rassurant, calme et droit dans ses chaussures. Il sut d'une main de maître la dompter en douceur. Dompter ce petit animal blessé et enragé. Elle n'a jamais autant ri qu'à ses côtés. Rencontré au détour d'un taxi et ne plus le quitter. Mais filer le parfait amour n'était guère permis par le patron, grand père Son. Il lui lança un ultimatum : Jae Young ou le clan. Et c'est avec un plaisir délectable que la coréenne le choisit lui et tourna le dos aux Lee sans plus de cérémonie. Qu'ils coupent ses vivres, elle n'en avait plus rien à faire.

Un mariage. Un enfant. Le but fondamental de la vie. Et si la brunen'avait jamais été conventionnelle, elle acceptait volontiers ce deuxième sort, de qualité, plutôt que devenir un véritable tirant à l'image des siens. Jae Young avait cet intime pouvoir de faire sortir son côté doux, attentionnée et passionnée. Mais c'était sans se douter que la malédiction de Seo Yeon était belle et bien encré au plus profond de son être, la traînant inéluctablement où elle se devait d'être. Sa toute jeune famille éclata en morceau, éclaboussant les murs de leur bonheur par le sang de sa progéniture. Un accident lors d'une belle après midi ensoleillée. Et pour cause, l’androïde chargé d'être d'une seconde main à l'éducation de leur enfant eut un dysfonctionnement dans son système, un bug, alors que ce dernier se noyer dans la piscine. Tragédie.

Aujourd'hui encore, Seo Yeon fait ce cauchemar où elle se tient au bord du bassin, observant la petite carcasse humaine flottée à la surface de l'eau. Son mariage éclata, évidemment. La douleur et la culpabilité furent si grande, que le jeune couple ne purent se regarder dans les yeux pendant un bon nombre d'année. Suite à cet épisode, Seo Yeon regagna ses rangs. Sa place. Vidée de toutes émotions. Elle paya naturellement pour sa trahison. Physiquement. Psychologiquement. Mais rien n'aurait pu être plus douloureux que ce qu'elle avait déjà vécu. Elle devint l'entrepreneuse idéale, faisant taire partiellement son humanité. Professionnelle et consciencieuse. Déterminée et obstinée. Sa réputation n'est plus à faire et elle arbore un sourire malsain au son de son nom, qui résonne dans les couloirs de l'entreprise comme celui d'un démon.