« to realise that all your life - you know, all your love, all your hate, all your memory, all your pain - it was all the same thing. it was all the same dream. a dream that you had inside a locked room. a dream about being a person. and like a lot of dreams, there’s a monster at the end of it. »
fragile bird.
« HEY AH RAN ! Regarde la caméras, dis bonjour ! » s’exclamait ma mère, en me suivant avec l’objectif pointé sur moi. Seulement, je n’étais pas si docile. Par tous les moyens, je cherchai à me cacher. Un jeu, qui nous amusa toutes les deux. A cette époque, j’étais une de ces fillettes espiègles et souriantes. Ce sourire, où il me manquait quelques dents, je ne le cachais pas. En résumé, j’ai connu une enfance plus que plaisante. Une grande sœur qui veillait sur moi, des parents qui nous aimaient au même niveau. Il n’y avait aucune jalousie, aucune moquerie, aucun coup bas ; c’était mon cocon. Certes, j’avais des problèmes d’élocution mais ce détail ne les alarma pas. Au contraire, ils trouvèrent cela mignon. Par moment, l’aînée cherchait même à terminer mes phrases. Cependant, ils ne m’accommodèrent pas au monde extérieure. A ce monde extérieur, où toutes les différences ne sont pas acceptées et encore moins jugées de mignons..
butterfly and hurricanes.
Ah Ran-Miaou, pauvre petit chaton se chuchota derrière mes pas. Puis, les miaulements suivirent. Les bousculades se faisaient monnaie courante dans les couloirs. Mes mains resserraient encore un peu plus mes cahiers. Je ne souhaitai pas qu’ils tombent à nouveau et devoir me retrouver à genoux afin de les ramasser.. Ces derniers étaient si abîmés avec le temps.. J’avançai tête baissée parmi tous ces collégiens, mes cheveux entravaient mes yeux mais, je savais où je mettais les pieds. Puis alors que je me dirigeai vers mon prochain cours, je sentis sa main saisir mon bras et me pousser vers le mur juste à ma gauche ;
« bbbbbonbonjouuur Ah Ran ! » m’imita-t-il pour me saluer. Les paumes de ses mains s’aplatirent sur le mur, à quelques centimètres et chaque coté de mon visage. Prise au piège, j’avais été bien sotte de penser qu’aujourd’hui, j’y échapperai. D’un coup brève mais non sans force, il fit tomber mes livres et attrapa mon sac au passage.
« Alors qu’est-ce que tu m’as amené… » Sans honte, il fouilla mon sac et attrapa mon repas du midi. Mon ventre se noua. Si je bougeai, je savais ce qu’il me réserverait alors, je gardai la tête baissée jusqu’à son départ. Puis, il balança mon sac à mes pieds avant de rentrer en cours. Alors que je m’abaissai pour récupérer mes affaires, tout le monde passait comme si de rien n’était. Certains m’ignoraient tout simplement, d’autres marchaient sur mes cahiers sans honte ou encore, il y avait ceux qui éloignaient un peu plus mes bouquins lorsque j’étais à deux doigts de les saisir.. Après avoir tout ramasser, je m’assis à cette même place où les douces pensées de mes camarades étaient retranscrites. « Ah-Ran La Bègue. » « Retourne chez toi ! » « Folle. » « Erreur de la nature. » « Bbbbbbbarre-toi! » « Dommage que tu ne sois pas comme ces robots, qu’on ne puisse pas te réparer… » « Tu me gâches le paysage. » Mes doigts effleuraient ces gravures.. Je haïssais ce monde.
Depuis mon entrée au collège, les sévices commencèrent. Les moqueries prirent une telle ampleur que je ne sus où donner de la tête pour y échapper. Partager entre le fait de faire face seule et ainsi ne pas inquiéter ma famille, je me retrouvai engloutie par tous ces maux. Je cachai mes bleus, je rafistolai mes tenues déchirées, j’allais régulièrement chez le teinturier pour ôter les tâches d’encre.. Et je priai pour qu’en effet, quelqu’un trouve un moyen de réparer également les êtres humains ayant un dysfonctionnement comme le mien. Cependant, j’eus mes limites et lors de ma dernière année de collège, je tombai en dépression.
take me back to the start.
« FRAPPE AH RAN ! FAIT QUELQUE CHOSE ! » Sa voix raisonnait dans mon esprit. Mes yeux la regardaient. Cependant, aucunes émotions ne transparaissaient. Pourquoi était-elle si en colère ? Je le voyais. Ses yeux étaient révulsés, sa mâchoire se crispait à chaque fois qu’elle se taisait, ses poings se resserraient si fort et le ton de sa voix la trahissait. Et moi, contrairement à elle, je restai immobile et impassible devant ce sac de frappes. Puis, alors qu’elle constatait son inutilité, son comportement s’apaisa et elle se rapprocha doucement de moi.
« Parle moi.. S’il te plait. Dis moi.. » Ses mains se posèrent délicatement sur mes épaules. Elle n’osait me toucher davantage depuis que j’avais perdu tout ce poids.. Et comme toujours, ma bouche resta désespérément close. Je voulais rentrer. A cet instant précis, je souhaitais me terrer sous ma couverture et oublier ce monde ignoble. Fichez-moi la paix ! Bordel ! Hurlais-je au fin fond de moi-même. Mon regard me vendit car, en croisant celui-ci, elle m’annonça ;
« D’accord, on rentre à la maison… » Puis, alors qu’elle rassemblait ses affaires, je les entendais. Dans le couloir, je les entendais ces miaulements, ces moqueries, me singer et m’insulter. Seulement, ce devait être mon imagination car, lorsque je me retournai ; personne n’était là. Sa main se glissa dans la mienne et elle me tira vers l’extérieur.
« On s’en va. » Tous ses espoirs furent réduits à néant. Alors qu'elle observait les alentours, moi, à ses cotés, je fixai le sol sachant combien ils nous restaient à parcourir afin que je retrouve mon lit..
Lors de cette dépression, je me terrai dans un silence monstrueux. De tout manière, dès que j’ouvrai la bouche ; je savais qu’ils se moqueraient de moi, pensai-je. J’étais devenue tellement craintive à chaque rencontre, limite sauvage que je finis par me cloitrer chez moi. Ce fut à ce moment que mes parents et ma sœur remarquèrent. Où ils virent que ma vie de collégienne n’était pas toute rose. Alors, je rencontrai une panoplie de médecins et de psychologues, qui furent tous chou blanc face à mon cas. Je ne parlerai plus et je m’étais arrêtée à cette idée. Cependant, mes parents prirent l’initiative de prendre un professeur à domicile afin de préserver mes acquis.. C’était surement une manière de sauver les meubles, en attendant de trouver la solution.
a cat always lands on its feet.
Face à moi, ce jeune homme souriant, il me tend une tasse de chocolat chaud.
« Bonjour Ah Ran-Ah. » Quelle familiarité, pensai-je sur le coup. Et contrairement à lui, je n’étais pas bien peignée, j’étais mal fagotée avec mon t-shirt dix fois trop grand, mon jogging balayant le planché de l’appartement et à pieds nus. J’étais à l’image que me donner tout le voisinage ; une véritable sauvageonne. Pourtant, je pris sa tasse. Je ne pouvais pas résister à l’appel du chocolat. Cependant, mon attention resta accrocher à cet inconnu, qui se mouvait dans la cuisine. Surement était-ce encore un ami de ma sœur ?
« Bien dormi ? » Je ne hochai même pas la tête. Qu’est-ce que cela pouvait-il lui apporter de le savoir ?
« Oh ! Veuillez m’excuser, je ne me suis pas présenté. Je suis Nathanaël, votre androïde. » Il ne manquait plus que cela. Son sourire, son visage si serein, cet air si détendu et.. réconfortant à la fois. Tellement innocent. Pour la première fois en un an, j’ouvris la bouche ;
« Rrrrretournne dans ta bbbbbboite-boîte avant-avant de regrregreter-ter d‘avoir ététété allumé.. » Puis, alors que je me levai de mon siège pour fuir les lieux. Seulement, il répliqua ;
« Je suis programmé pour vous comprendre, ne vous en faites pas. Vous pouvez vous adresser à moi normalement ... » Sans attendre la fin, tout le restant de ce délicieux chocolat se retrouva dégoulinant sur son charmant minois.
« imbébbbécile. » C’était moi, qui n’était pas programmée pour être comprise.. Délicatement, il saisit une serviette de table pour essuyer son visage et il afficha encore un léger sourire. Sans attendre plus longtemps, je tournai les talons et fonçai dans ma grotte, c’est-à-dire, ma chambre.
Quelques pas plus loin, mes parents étaient aux premières loges.
« Tu crois toujours que c’est une bonne idée ? » demanda mon père, désespéré. Mais, accroché à son bras, ma mère semblait étrangement aux anges.
« Chéri, elle a parlé ! » Mon père n’avait enregistré que l’épisode où Nathanaël reçut une tasse de chocolat chaud en pleine figure mais oui… j’avais bel et bien parlé.
« Oui, j’y crois toujours… J’y crois. » répéta ma mère, en observant l’androïde. Ce dernier essuya le chocolat renversé sur le sol et de temps en temps, son regard se bloquait sur la porte de ma chambre. Toutes ses données ne semblaient pas être à jour sur mon cas..
Deux années passèrent.
Je m’appelle Bae Ah Ran, j’aurai dix-huit ans le vingt-cinq octobre, je suis en troisième année au lycée et je suis bègue. Nathanaël est mon androïde. Non. En faite, il est davantage. Cela fait deux ans qu’il est auprès de moi. Mes parents me l’ont pris pour qu’il veille sur moi car, je devais retrouver le monde extérieur selon eux. En effet, j’ai intégré un lycée en cours de première année. Ce n’était pas une vie pour eux que je reste recluse ainsi. Alors, Nathanaël veille. Cependant, il ne fait pas que cela. Il est devenu un confident, un meilleur ami, un coach, un être exceptionnel à mes yeux. Certes, je n’ai pas toujours été tendre avec lui. Surtout dans les débuts, où j’ai eu beaucoup de mal lors de ma réinsertion. Pourtant, il reste à mes cotés. Certains me disent que ce n’est qu’un androïde de compagnie donc, c’est son rôle. Seulement, j’ai envie de croire à sa sincérité.. Dans tous les cas, j’ai fini par m’accommoder au monde extérieur. Je suis encore.. Sauvage mais, je fais en sorte de me soigner. Comme je tente de vaincre mon bégaiement. Mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire..