Aujourd’hui, Il Woo a rendez-vous avec Lola. Il Woo aime bien Lola. Lola, elle est mignonne. Elle aime les bonbons et les arcs-en-ciel. La Belle et la Bête fait partie de ses films préférés. Un rien lui soutire un sourire. Parce qu’elle est comme ça, Lola. Simple, naïve et pleine de joie de vivre. Ou du moins, c’est ce qu’Il Woo croît. Aux yeux de ce dernier, la fillette est un véritable rayon de soleil, une franche bouffée d’air frais. Passer du temps à ses côtés lui fait du bien car, dans ces moments-là, il n’y a pas à se poser de questions compliquées. Ce n’est pas comme avec les humains dont il faut sans cesse déchiffrer les signaux ambigus. Avec Lola, tout est limpide comme de l’eau de roche. Si quelque chose la contrarie, il suffit de lui donner une sucrerie pour adoucir ses peines. Et au contraire, quand les choses vont bien pour elle, mieux vaut l’emmener dévaliser une boulangerie afin qu’elle puisse mieux goûter à la vie et y croquer à pleines dents. On a l’air de céder à tous ses caprices. Mais son bonheur est tellement communicatif que l’on en profite aussi. Alors à quoi bon résister ?

Il Woo ne se pose même pas la question. Il n’hésite pas et se plie en quatre pour satisfaire chacune des envies de sa petite princesse. Pour la protéger du chagrin, aucun sacrifice ne lui paraît trop grand. C’est pourquoi ce jour-là, quand il l’aperçoit au loin être bousculée par quelqu’un, il est immédiatement prêt à intervenir. Il s’apprête à courir au secours de sa protégée. Mais le reste de la scène l’arrête dans son élan. Même à la distance à laquelle il se trouve, l’automate peut constater avec quelle violence Lola réagit. Soudain, elle laisse ses airs enfantins de côté et n’affiche plus que férocité et colère. Son assaillant ne tarde pas à s’enfuir, mais elle se lance à sa poursuite – telle un prédateur qui traque sa proie.

D’abord paralysé par la surprise, le jeune homme veut rejoindre son ami. Il éprouve mille et une peines à le faire car elle s’éloigne à une vitesse incroyable. Les jambes du robot se mettent en mouvement, ses pieds battent vigoureusement l’asphalte. Mais malgré tous ses efforts, le robot n’arrive à leur hauteur que lorsque ceux-ci ont atteint l’arrière-cour du Pinocchio Café.

« Lola ? Qu’est-ce qui te prend ? Il ne faut pas se battre. Les gens comme nous n’ont pas le droit de se battre. Quand on se bat, ce n’est pas bien. C’est ma… »

La machine s’apprête à prolonger sa leçon de morale, mais le spectacle de désolation qui l’accueille le fait se taire. Lola est seule. Face à elle, il n’y a plus qu’une ossature d’acier éventrés. Quelques mètres plus loin, une tête et d’autres membres gisent éparpillés sur le sol.

« Qu’est-ce… Qu’est-ce que tu as fait ? »